Je vais après mon travail. L'esprit enfin libre, depuis que je me suis levée. Toujours une chose en tête. Mille choses si je veux arriver au bout du jour. Et là, je savoure, comme tous les soirs, cette sortie des portes du labeur où rien en tête, je me dis que tout peut advenir. Et j'aime cette liberté passagère, courte soit-elle, des pavés de la cours au perron de chez moi, quarante cinq minutes de chemin buissonnier, où l'invisible opère, moi et mes yeux, alors ses complices.
tango rouge, chaise en paille, rires aux alentours, bonjours-sourires et ma table au bord du trottoir, au bord de la réalité. Un instant. Un soupir. que vais-je écrire ? que vais-je peindre avec mes mots ?...
trois secondes. L'inattendu. Je l'attends. Sans l'attendre. Je sais qu'il n'est pas loin. Comme toujours. Et voilà, en trois secondes, il arrive, il tombe, plus exactement, du ciel. L'inattendu tombe toujours du ciel.
C'est pour cela que j'aime les nuages. Toujours une histoire à écouter, à vivre.
Donc ma table vide excepté l'ombre ambrée rouge de mon tango et moi qui attends cette naissance du présent. Elle arrive, plutôt sombre, "rigolotte" dans toute sa splendeur.
Le pigeon pond du haut de son arbre: Il est gris comme mon blouson aux manches trop petites. Lui ses ailes se confondent avec les branches de son refuge. La légèreté de ses plumes contrebalance avec le plomb qui vient de tomber sur ma table. C 'est anodin. Mais c'est ma table. La seule qui reçoive ce petit paquet comme un cadeau. Moi qui est toujours la tête dans les nuages, voilà le ciel qui me lance une blague en pleine face...
Il est facile d'écrire ce qui ne nous touche pas. Il est facile de penser à ce que l'on va écrire lorsqu'on aura le temps. Mais ce qu'il est difficile d'écrire au moment présent. C'est à l'image de la vie. On pense, on rêve, on dit mais lorsqu'il s'agit d'agir, la silhouette se fait fuyante, voire quasi inexistante... Accéder à la fluidité souhaitée ; non souhaitée, mais véritable. Non recherchée mais accessible par la lumière de l'être.
Voilà. La lumière se fait. Le lien entre cet inattendu et ma tête brune et ses idées sans quête. Il se fait tout seul car j'accepte d'écrire ce que je n'aime pas, ce que je ne veux pas écrire, trop moche, pas assez réfléchi, ça arrive car j'accepte ce qui est sombre, sans importance, sans relâche je continue quitte à me perdre, peu importe du moment que ça arrive, comme aujourd'hui.
Accepter le mouvement naturel de la vie, son cours, sans remettre en question son existence, son inadaptable, sa crasse.
Parce que chaque chose a une conséquence.
Si cette merde tombe sur ma table, ne pas voir la superstition, pas des dizaine d'années de malheur à venir, de toutes façons chacun à son compte.
La fraîcheur de la vie. Savoir la recevoir, même la tuile, peut importe ; la conséquence qu'elle va engendrer, l'histoire qu'elle va créer...
Je suis dans toute ma splendeur car je ne me défends pas contre cette merde. Elle me fait rire. Elle me fait regarder l'arbre tout printanier. Elle me fait regarder le ciel et les oiseaux qui me disent "gook luck". Elle n'a pas de cause en soi mais une conséquence. Regarder la vie telle qu'elle est et ne jamais la remettre en question. S'affranchir de cette beauté "miroir de poche" que l'on recherche tous, ici et partout, en nous et autour. Cette vérité dont tout le monde peut jouir mais que peut de personne regarde : La vie aime ceux qui l'aiment car c'est "ceux" qui fait la phrase, qui fait la vie... ne dit on pas que la vie sourit?
Et son sourire, je vous assure, est magnifique...