Téléchargement 05 We're All In This Together
En fin de journée, j'ai pris un café noir. Me réveiller. Installée en terrasse, j'ai posé mon sac. Mon sac et mes mots sur la table en face de moi. Face à face avec mon quotidien.
Je me suis confrontée avec mes petites affaires, mon fouillis interne brassé par ma main chaque jour, une cagnotte de loto qu'on explore, où on hésite en espérant choisir le bon numéro tout en sachant qu'il y a une chance sur un million pour saisir l'inespéré, saisir le "quasi-impossible"...
Là, je parle de la main menottée à un horodateur qui pointe heure par heure, voyant vert, voyant rouge, épée de Damoclès.
Alors les mains se fourrent dans le manteau avec la bougeotte. Les envies réfrénées grandissant au bout des doigts poussent les murs-tissu et finissent par faire des trous dans les poches. Mais peu importe sous la cape rien n'est visible, et les idées meurent.. deux fois, malheureusement.. et la silhouette s'éloigne avec son énergie, son essence, ses rêves, chassée par la vieille peau originelle..
On a tous une doublure trouée...
L'hiver est long. Puis froid. L'hiver est long et froid. Puis trop lourd pour le pousser dans les escaliers de la cave. Et l'enfermer jusqu'à l'année prochaine. Alors j'attends qu'il prenne ses clics et ses clacs, ses tics et ses tacs, et qu'il se barre de chez moi! Pour aller plus vite, de temps en temps je le titille, lui dis que je me ferais bien des vacances au soleil, sentir le soleil chaud sur ma peau. Il est très susceptible : se lève, blanc, regard... puis se rassoit : Il sait ce qu'il perd s'il s'énerve... un coup de chauffe et hop, il fond... Moi ça m'amuse de le voir tourner et en rond et brûler dans mon salon..
Bref. Revenons à nos moutons de laine et nos gants en caoutchouc. Que j'enlève. Marre des pincettes :
Disons les choses, les vraies, les simples, les dures et les belles, les endormies et les insoumises, celles qui somnolent sans jamais se taire : Pour celles-ci, longue vie! et long périple à travers les temps. Je souhaite qu'elles en usent des doublures, et qu'en quelques matières soient ces dernières, qu'elles y fassent des trous béants, visibles et irrattrapables. C'est ainsi que la transparence et l'accord arrivent. Enfin le point de rencontre. Nues en hiver, Nues dans mon salon, bouffées par la Vie qui les croque à grosses dents car c'est la Vie même... Toutes ces choses qu'on camoufle, qu'on essouffle, qu'on esseule à la mer dans une petite bouteille grosse comme la maison des mini-pouces...
Mon sac. Mes petites affaires. La main. Le loto. Le quasi-impossible.
Le dire, ça serait vider mon sac. Non pour la merde mais pour saisir l'impossible. Pour dire et vivre l'impossible.
Voilà le présent. C'est l'impossible de toutes les secondes qu'on laisse filer sous une doublure, la peur de l'horodateur nous prenant aux tripes. Viscérale.
J'ai presque finis d'écrire. Un coup d'oeil sur la cave. Par la fenêtre le vent balaye... Et mon salon? vide. Comme mon sac.
La sueur froide s'en est allée. Je l'ai chassée. Pas de chaussons, juste l'impossible au bout de mes pieds. Je respire. L'air. Qu'il soit chaud. Qu'il soit frais. La Vie peut commencer. Allez y mes petits pieds, dansez, ils ne vous restent plus qu'à avancer, sans chaussures, sans doublures, pour de vrai, pour dire vrai. Allez mes petits pieds nus, l'impossible est à saisir, la vie devant vous, maintenant, c'est votre quotidien...
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