Le ciel est ouvert au dessus du cimetière. Pour que les âmes s'envolent plus facilement. Plus légèrement.
Et que les anges guettent, une plume au bec, plus sereins. Un peu plus saints ...
Les fleurs abondent vers 10h. Le temps que le livreur dépose, sa clope dans la rainure du trottoir, les fleurs sur les tombes et son regard vers ce ciel. Ouvert.
Ouvert comme les paumes de la main qui donne. sans attendre. pas de saisissement. Pas de frottement. Juste la caresse du vent et de quelques gouttes de pluie qui respirent.
Les rouges gorges des jardins à proximité gonflent leur rouge pour vivifier celui des tulipes. Même les canaris des immeubles voisins chantent à tue tête, à faire s'évanouir les passants, à bercer les anges et les enfants... Tout s'anime sans un bruit, si ce n'est la pluie fine...
Les feuilles jaunissent, fleurissent et tourbillonnent. Les cailloux se pressent et roulent et grésillent comme les graviers giclent et dansent. Le vent frémit et tambourine en bourrasque soudaine. Les nuages passent à la machine et dégorgent leurs tâches en dégradé de gris, bleu gris, gris chiné...
Et ça shampouine là-haut, fort, sévère pour que la mousse naisse... Les ombres se camouflent dans l'humidité ambiante, et s'apparentent aux esprits qui cherchent corps..
Le dallage n'est certes maintenant plus très droit. A coup sûr. Il imite les chats noir bondissant sous la flotte. Le mur, lui même n'est plus très haut. Ni très lisse. Ni très beau et semble abîmé à force d'attendre, à force de tendre, ses oreilles pour entendre... Il prend de l'âge, ses pierres souffrent d'arthrose.
Puis tout prend son sens. On vit cet instant. Comme un autre à la différence près que celui-ci devient le nôtre. Pas un qui se noie dans la fontaine un peu plus loin. Mais le sien qui nourrit ses souvenirs.
Et c'est à ce moment-là. Que les âmes chantent. Ensembles. Et que l'on s'arrête... Pensant avoir entendu quelque chose, notre nom ou juste une perception intime d'une minute venue d'ailleurs et qui ne s'explique pas, qui ne se défend pas par les mots...
Et c'est à ce moment-là.
A ce moment-là que le ciel est ouvert au dessus du cimetière.
Pour que les âmes s'envolent plus facilement. Plus légèrement.
Et que les anges guettent, un brin de paille au bec, plus sereins. Un peu plus saints ...
Et je m'arrête.
Une plume à mes pieds. Avant de me remettre à marcher.
Merci. Clins d'oeil aux anges.
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